Par Stéphanie BINET (Libération)
vendredi 28 novembre 2003
This Is Not a Test (Elektra/WEA).
Ce qui est bien avec Missy Elliott, c'est qu'elle met tout le monde d'accord : les hip-hop heads comme ceux qui détestent tout ce qui ressemble de près ou de loin à un rappeur. L'esthétisme de ses clips toujours novateurs, sa musique entre electro dépouillée et groove furieux, sa tchatche de bonne vivante et même son mauvais goût de "nouvelle maigre" ont conquis les plus endurcis. Un an après Under Construction, elle revient avec This Is Not a Test, tout aussi gonflé, l'effet de surprise en moins. En hors-d'oeuvre, passez-vous Pass the Dutch ou Let Me Fix My Weave, Work It II et surtout Toyz, une ode aux godemichés car Missy, dit-elle, ne s'ennuie pas quand son petit copain n'est pas là. Elle applique sa maxime du début jusqu'à la fin de l'album : "Le hip-hop, c'est la liberté de s'exprimer, pas de déprimer." Elle invite Jay-Z pour un terrible Wake up où elle précise qu'on peut aussi aimer le rap si on ne porte pas d'arme et si on reste habillé. Elle réhabilite R-Kelly, accusé de pédophilie l'an passé, pour un sexy Dat's What I'm Talking About et lance la nouvelle star du dancehall, Elephant Man. Reste un petit faible pour les ballades à galoches, Is This Our Last Time et I'm Not Perfect.
Les Inrocks :
Missy Elliott
This is not a test!
sortie nov. 2003 (East West / WEA)
Très old-school, dans ses sonorités et ses thèmes, This Is Not a Test! se veut une sorte de plongée au cœur de l’histoire du rap américain. Ses beats efficaces, aux saccades claquantes, ses rimes désinvoltes recadraient le débat, remettaient en perspective un genre de plus en plus prolixe. This Is Not a Test! continue sur cette lancée et se révèle même plus attachant et diabolique. Les arrangements y sont plus clairsemés, donnant parfois l’impression d’un dépouillement monacal. Un peu comme si Missy Elliott, en renonçant l’an dernier, sur ordre de son médecin, à ses injections quotidiennes de bonbons et de barres chocolatées, avait aussi entamé une sorte d’amaigrissement de sa musique. This Is Not a Test! est rempli de morceaux presque minimalistes, voire ascétiques : les chansons, menées par le phrasé de l’Américaine, reposent sur des fondations dont les beats sont les uniques pilotis, à la fois épars et extrêmement solides. Les rythmes semblent programmés par un gamin frénétique, saccageant une boîte à rythmes dont il ferait cracher des déflagrations grasses, aux sonorités ciblant le ventre, le pubis, l’utérus. La musique de Missy Elliott est ainsi faite : dénudée comme des fils électriques survoltés, et impitoyablement sexuelle, s’adressant aux entrailles, qu’elle malmène, torture et fait jouir en un même mouvement saccadé. Missy Elliott y aligne des paroles incongrues, faisant rimer "Michael Jackson" avec "rectum", commentant l’état actuel du hip-hop et citant certains de ses héros du genre. Sur Let It Bump, elle rend ainsi hommage à Roxanne Shanté et à son anthologique morceau Live on Stage de la fin des années 80. En se plaçant sous l’aile de cette rappeuse sans compromis, Missy Elliott signifie qu’avec elle les vrais hérauts du rap, ses champions et ses joueurs les plus solides, ne sont plus des hommes, mais des femmes, aux ambitions tout aussi dévorantes et viriles.
Missy Elliott est ainsi le modèle ultime des filles de sa génération, Kelis et toutes les autres, alors qu’elle-même semble prendre modèle sur les Jackson, Michael et Janet, dont elle est fan jusqu’à l’os, rêvant du succès planétaire de Thriller, et du corps de Janet pour remplacer le sien, longtemps trop gras. Imparable, son nouvel album regorge en tout cas de pistes à explorer, de chansons qui donnent le pouls de l’Amérique urbaine. Normal : Missy n’aime rien mieux que tester ses nouveaux morceaux en voiture, histoire de voir s’ils collent ou non au paysage qui défile, à la ville qui vibre sous ses roues. Jusque-là, elle a réussi tous les tests : son permis de conduire vaut de l’or.
Joseph Ghosn
26 nov. 2003
Souvent réalisés par Hype Williams, les vidéo-clips deviennent de véritables petits court-métrages où le visuel accentue le caractère rythmique de la musique :
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